La Nocturne, Merzouga
Etant à mi parcours, la première partie du raid nous a fatigués et il est difficile de nous motiver à quitter l'hôtel pour participer à cette étape
nocturne.
Malgré notre faible enthousiasme, nous assistons au briefing dont les instructions
nous donnent le rôle d’assurer le pointage des participants en sortie de pistes. Ceci nous obligera à être rapidement en tête sans
que nous puissions partir en avance en raison du timing trop serré.
Je sais qu'il est déconseillé de rouler vite de nuit sur un parcours que nous ne connaissons pas,
surtout en 205. Mais nous sommes malgré tout confiant car je doute fort que les pistes soient dégradées et la navigation sera surement facile pour
éviter un trop
grand nombre d'équipages égarés ou en détresse.
Après ces quelques étapes passées, notre équipage est maintenant bien rodé et fonctionne très bien augmentant notre confiance.
Reste à bien se préparer pour cet excercice à venir auquel nous n'avons jamais été confrontés.
Il fait nuit noire, je prends conscience que les phares d’origines de notre 205 seront insuffisants pour éclairer correctement la piste, et les longue-portées
rajoutés ne cessent de se dérégler à la moindre secousse. Heureusement, mon co-équipier, Yohan, possède des yeux de lynx et m’a prouvé
son excellente dextérité sur piste roulante. Je reste cependant convaincu qu’il n’y aura pas de piège et le parcours décris dans le breifing ne présente pas de sable.
Le choix se fait naturellement, je laisse donc le volant et je prends la "nav." en charge.
Nous débutons l’étape en cortège, entourés de 4x4 et de 205, suivant le véhicule d'orga facilement repérable. Nous roulons à vitesse modérée, j’en
profite pour ajuster ma frontale et affiner ma gestuelle pour passer du road book au Terratrip. Je constate que nous nous éloignons du tracé théorique.
Instinctivement, je cherche à repèrer une piste me permettant de rattraper une case du road book.
Le 4x4 leader du groupe semble hésitant sur la piste à suivre et annonce à ce moment par VHF un départ lancé alors que nous sommes à quelques mètres d’un croisement
de plusieurs pistes et totalement en dehors du tracé.
Je vois alors les phares des voitures nous entourant partir dans toutes les directions.
Mon pilote, totalement perdu dans sa prise de décision du fait de cette séparation soudaine, me sollicite d’un ton autoritaire, « Je vais ou ? ! ».
Je choisis la piste au cap, par rapport à la case repérée précédemment. Ce brusque changement d'état nous a totalement enivrés.
La piste est propre, rapide et bordée de petites pierres facilitant son suivi. La 205 Gti tient son rôle, la tenue de route est
parfaite et les kms défilent maintenant à grande vitesse. Nous conservons la pression des pneus à 2kg pour rester dans la même dynamique.
Le waypoint visé au roadbook se rapproche sur le GPS et j’aperçois, sur ma droite,
un 4x4 d'assistance, sur une piste parallèle, confirmant ma bonne décision. Je profite du waypoint à venir pour synchroniser mon "trip"
avec la case du road book associée. Les lumières des autres 205 ont maintenant totalement disparu, et le 4x4 sur la parallèle s’éloigne subitement
vers la droite, nous laissant seuls.
La noirceur de la nuit amplifie le sentiment de vitesse. J’ai du mal à distinguer la piste et ne la devine qu’aux pierres la bordant.
Yohan est à l’aise et anticipe parfaitement les virages. Je le sens très concentré et ne lui parle que pour lui donner mes indications.
Ça roule vite, je sens les compressions de plus en plus marquées, je lâche totalement la piste des yeux que je n’arrive plus à suivre, et me
concentre uniquement sur la "nav.".
Les waypoints s’enchaînent, les uns après les autres, je constate très vite que le road book est d’une précision remarquable, m’évitant
ainsi toute hésitation dans mes instructions.
Yohan ne ralenti plus à l’approche des changements de direction annoncés. Les croisements de pistes
apparaissent en moins d'une seconde en raison du manque d'éclairage. Je les anticipe maintenant en comptant dans ma tête par une évaluation de distance,
entrainant des changements de cap très marqués, ce que n’apprécie pas vraiment la Gti au comportement survireur.
J’hésite à freiner Yohan, mais il excelle dans cet exercice. Qu’importe, la piste est
sécurisée car possède suffisamment de marge en cas de sortie de route.
Nous passons les waypoints aussi proche que ne le permet le GPS,
soit quelques mètres, apportant une dimension iréelle à l’instant vécu. Yohan devine ma satisfaction et m'encourage à ne pas me relâcher. L’adrénaline
fait son effet, l’euphorie est à son paroxysme. Je perds la notion de vitesse mais, étonnement, j'arrive à suivre très facilement le road book en ne regardant que le trip dont
les chiffres ne cessent de s’affoler. Je ne prends plus la peine de remettre le partiel à zéro et me contente du compteur général qui ne
dérive pas du road book. Délicieuse sensation.
Dernières ligne droite annoncée, le goudron n’est plus qu’à quelques centaines de mètres.
L'échappement groupe N de la Gti envoie ses derniers décibels. La 205 Gti n’a pas failli, nous sommes prêt pour assurer notre CP.
La VHF est muette nous laissant supposer que nous avons une avance conséquente. Nous coupons alors nos lumières pour ne pas indiquer notre position et essayons de dormir un peu,
en vain, encore euphoriques du moment passé.
Nous venons de vivre un de nos plus beaux souvenirs en raid.
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